
Réforme de la fonction publique : miser sur la qualité du travail et la professionnalité des agents ?
Cette publication est un entretien réalisé avec Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS/ CEVIPOF de Sciences Po. Les grandes questions qui se posent aujourd’hui sur la fonction publique ne sont pas toujours inédites. Mais les reconsidérer au prisme de l’histoire revêt un sens bien particulier à l’heure des politiques de « rationalisation » de l’administration. Les comparaisons internationales sont également intéressantes même si elles ne sont pas aisées à faire tant les situations sont contrastées. Elles permettent cependant d’établir la spécificité et l’originalité de la fonction publique française. Si la France possède un secteur public plus important qu’ailleurs (mais pas nécessairement plus coûteux), cela s’explique par l’histoire et des compromis sociaux tissés au fil du temps. Le statut et les protections qui vont avec se sont ainsi développés pour contrer la politisation de la fonction publique et les problèmes générés par ce phénomène : partialité dans le traitement des usagers, corruption des fonctionnaires, etc. Les agents de la fonction publique ne se considèrent pas non plus comme des « privilégiés ». Luc Rouban, qui a mené des enquêtes sur les conditions de travail et la satisfaction au travail des fonctionnaires, le montre éloquemment. Ces derniers ont un sens très aiguisé du service public et luttent depuis des décennies contre plusieurs formes de déséquilibres. Déséquilibre entre une fonction publique d’État élitiste et une fonction publique territoriale plus opérationnelle et moins valorisée, déséquilibre entre catégories, déséquilibre entre les élites du privé et les hauts fonctionnaires, déséquilibre et lutte de pouvoirs entre syndicats et décideurs politiques… Luc Rouban, enfin, constate une « érosion » de l’efficacité du système de recrutement et de formation des hauts fonctionnaires. Celui-ci n’autorise plus suffisamment l’élaboration de vraies analyses socio-politiques qui permettaient de donner au service public son vrai sens et ses valeurs… une des explications au malaise actuel ?