
Travailler autrement ? Comment la pandémie a changé les organisations du travail en Europe
03/2023
La pandémie a imposé aux salariés de bureau à peu près les mêmes règles, les mêmes rythmes et les mêmes modalités de travail hybride. Ainsi, puisque le télétravail s’ancre dans les habitudes des organisations, l'auteure a cherché à savoir si un modèle européen unique d’organisation du travail est en train d’émerger et dans quelle mesure les attentes des salariés européens sont semblables ou pas. Ces réflexions sont à l’origine d’un projet d’enquête sur les nouvelles organisations du travail en Europe mené par la Fondation Friedrich-Ebert, la Fondation Jean-Jaurès et le cabinet de conseil Selkis.
L'analyse des résultats d'une enquête menée auprès d’un échantillon représentatif de 6 027 salariés en France, Allemagne, Suède, Finlande, Espagne et Pologne, permet de dégager trois éléments intéressants. Tout d’abord, le bureau comme lieu commun du travail n'est pas révolu : l'auteure constate, dans tous les pays du panel, qu'au moins deux tiers des salariés ont vu leur espace de travail durablement modifié. Ils se réorganisent selon toutes les possibilités : plus d’espaces individuels, plus de flex office, plus de tiers-lieux et d’espaces collectifs, à peu près dans les mêmes proportions. Il n’y aurait pas une forme majoritaire dans les évolutions d’organisation, mais une variété de type d’espaces pour accueillir différentes modalités de travail. On assisterait à une forme de spatialisation des tâches au sein du lieu central du travail.
Ensuite, un modèle européen du travail hybride émerge et s'installe. Enfin, le télétravail amène les salariés à questionner plus globalement les valeurs du travail et ce qu'ils sont en mesure d'en attendre : le télétravail est vu comme une amélioration des conditions de vie (faire des économies et passer moins de temps dans les transports), plus que comme outil d'amélioration des conditions du travail. A ce jour, le télétravail est simplement considéré comme une dématérialisation du travail et non comme une nouvelle forme du travail qui nécessite de nouvelles règles, un autre management, une manière différente d’envisager le travail, ses objectifs et son évaluation. S’il existe une prise de conscience que le management doit changer, cela tarde à se mettre en place, non pas tant dans le nombre de formations "manager à distance" dispensées, mais dans l’émergence de pratiques réellement nouvelles, où seraient repensés le temps de travail, son asynchronisation, l’évaluation du travail et l’autonomie des collaborateurs, etc.
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