1 /  1
Vignette document Cultures du risque au travail et pratiques de prévention

Cultures du risque au travail et pratiques de prévention

Livre
Contient : pp. 136-141

La lecture dominante des processus de travail et de sécurité laisse penser que les dommages au travail sont généralement issus du non respect des procédures. L’investigation historique montre combien cette posture est aussi stratégiquement entretenue par les représentants patronaux. L’obligation d’évaluation et de prévention des risques professionnels (EvPRP) est rarement conduite dans sa globalité. La production du Document Unique d’évaluation des risques professionnels, facilitée par des outils simplistes, devient le plus souvent un acte règlementaire isolé du travail. En réponse à ses obligations, et à sa lecture individualisée du risque, la hiérarchie multiplie les consignes afin de discipliner les gestes des travailleurs. En complément de cette observation historique, les études actuelles en ergonomie et en psychologie du travail, montrent que, isolées, coupées d’une partie des réalités du travail, les normes ne résistent pas au travail à faire. Maintenue hors du périmètre de l’évaluation des risques professionnels, l’organisation du travail produite par la hiérarchie finit par être en tensions paradoxales avec les procédures de sécurité. A l’opposé des idées reçues, la prise de risque individuel des travailleurs est au cœur du sens de leurs responsabilités. Dans l’arbitrage individuel entre « produire » ou « respecter les procédures qui entameraient la qualité du travail rendu », la grande majorité des acteurs privilégie le service rendu. Dans le drame historique du travail, et ses nombreuses conséquences tragiques, s’inscrit la non prise en compte de ce dilemme, de ces risques, par la prévention.
Dans les débats actuels, l’ouvrage « Cultures du risque au travail et pratiques de prévention » n’est pas une simple compilation de contributions de qualité, il devient ressource. Par la diversité et la complémentarité des sources et des expériences qu’il propose, cet ouvrage devient matière pour une action renouvelée. Au cœur de la pluridisciplinarité, aux côtés des approches médicale, ergonomique, sociologique, psychosociologique et systémique… les travaux du Groupe Histoire Travail et Santé imposent l’investigation historique de la santé au travail comme une des clefs de la démarche de progrès en prévention des risques professionnels. Cette discipline ne réconcilie pas les logiques contraires mais permet de construire d’autres points de vue et d’autres visions du problème, à partir desquels des actions différentes peuvent être pensées. C’est en multipliant les contextes, entre les protagonistes (syndicats, employeurs, salariés, médecins), entre les processus d’interprétation, entre les pratiques (réparation, tableaux cliniques, observation sur site, mobilisation collective), que ce livre offre au lecteur la matière pour recontextualiser sa propre situation et finir par décontextualiser ses propres idées reçues.