Elaboration, structuration et réalisation des gestuelles de travail : les gestes dans l'assemblage automobile et dans le coffrage des ponts d'autoroute
Cette thèse a pour principal objectif de mettre en évidence l’organisation complexe des gestes de travail appris sur le tas, dans un contexte social tendant à dénier le rôle du travail manuel et à sous-estimer la complexité des gestes. Il s’agit de montrer que cette organisation est complexe parce qu’elle résulte d’une élaboration au fil des parcours de vie et des itinéraires professionnels parce qu’elle est structurée par des invariants opératoires propres aux gestes et enfin, parce qu’elle est mise en oeuvre dans des contextes de travail qui l’orientent.
Dans le prolongement d’une littérature scientifique issue de différentes disciplines telles que la physiologie, la neurophysiologie, la psychologie, l’ergonomie, comprendre et identifier la complexité des gestes apparaît légitime pour affiner la compréhension de leur construction. Pour cela, nous catégorisons cette complexité selon quatre caractéristiques du geste : il est composé, investi, situé et construit. Ces caractéristiques rendent compte des multiples dimensions du geste (psychologique, biomécanique, physiologique, organisationnelle...). Mais nous renouvelons ces approches en insistant sur la structuration des gestes pour compléter cette idée de complexité, et en proposant à cet effet un modèle centré sur le concept de «gestuelle ». Ces dernières représentent des ensembles structurés et préalablement constitués. Elles forment des sortes « d’armatures », relativement stables à court terme et utilisables dans différentes situations. Elles s’élaborent et se remanient sous l’effet de l’expérience. Nous considérons les «gestuelles » comme un registre de compétences spécifiques, c’est-à-dire propres à l’usage du corps, et intimement liées au pôle «soi « de l’activité professionnelle. Elles sont personnelles, notamment parce que les usages du corps sont individualisés.
Pour ce faire, nous avons mené des analyses de gestes de travail dans deux secteurs d’activité différents: l’automobile avec des tâches d’assemblage et le génie civil avec des tâches de coffrage. Nous montrons que les opérateurs élaborent avec l’expérience, à la fois individuelle et collective, des principes d’utilisation de leur corps au travail qui leur assurent une plus grande efficience et efficacité. Ces principes sont les composantes des gestuelles, ils sont propres à une action, et transférables d’une situation à l’autre. Nous analysons aussi les différentes modalités de construction des gestuelles, qui appartiennent à des registres d’expérience divers : l’expérience professionnelle (tant du point de vue de la pratique actuelle que passée) ; l’expérience extra- professionnelle, l’expérience du travail des autres et l’expérience de soi. Les résultats recueillis sont fortement marqués par les modes d’organisation qui prévalent dans tel ou tel milieu professionnel. Dans l’assemblage automobile, les» gestuelles’ résistent face à la standardisation du travail. Dans le génie civil, davantage caractérisé par la forte variabilité des environnements et par la prééminence d’une culture de métier, nous insistons davantage sur la structuration et le développement des «gestuelles » dans un contexte de transmission des savoir-faire. Nos résultats contribuent à proposer des pistes de transformations et d’actions afin de faire face à la standardisation, de penser des dispositifs de prévention en santé au travail, de promouvoir des améliorations des conditions de travail, et de transmettre des savoirs
gestuels.
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