Cet ouvrage offre un panorama des recherches récentes sur la manière dont le numérique transforme les activités de travail, leur organisation individuelle et collective, le renouvellement des formes de pouvoir, les transformations de certains métiers (comme ceux de la vente, du secrétariat ou de la formation) ou de certaines fonctions comme la GRH, le marketing ou le travail de conception en bureau d’étude. Comment évolue le travail aujourd’hui à l’heure du numérique ? Les espaces et les temps de travail se recomposent-ils ? Les salariés sont-ils plus autonomes grâce aux outils numériques ? Comment évoluent le rôle des managers et les modes d’organisation du travail ? Les sujets d’interrogations sont nombreux concernant les mutations du travail en lien avec la diffusion des outils numériques.
Les auteurs montrent l’ambivalence des effets du numérique sur les organisations et les tensions qu’elle génère en matière de travail, entre autonomie et contrôle, nouveaux collectifs et isolement, injonction à collaborer et responsabilisation individuelle. Elles dégagent également des enseignements généraux sur les conditions d'introduction du numérique dans l'entreprise, les outils de régulation à construire, la construction de sens sur les transformations organisationnelles et leur accompagnement.
Le 1er chapitre replace les interrogations portant sur le caractère structurant des outils de gestion et sur la nature des transformations de l'activité de travail dans les débats plus anciens qui ont animé la sociologie et l'étude des liens entre techniques et organisation. Le second chapitre monte les conditions socio-organisationnelles qui façonnent les usages du numérique en entreprise, le poids des représentations autour des usages du numérique et leur caractère performatif. Les auteurs soulignent également les effets des politiques d'entreprises d'entreprises en matière d'équipement, de formation, d'accompagnement, de management sur les inégalités face au numérique.
Les chapitres suivants sont consacrés à l'analyse des grands transformations du monde du travail par des questions de recherche qui ont émergé avec la diffusion des trois types d'outils numériques (de communication, de gestion, et les outils collaboratifs). L'essor du numérique interroge les transformations des espaces et des temporalités au travail, discutant des questions de dispersion, fragmentation des espaces de travail, multi-activité, du brouillage des frontières entre vie professionnelle et personnelle, les effets du télétravail et des pratiques de connexion continue, de développement du travail hors du lieu de travail principal (chapitre 3). Les auteurs rappellent les ambitions et les limites des outils de gestion, contribuant au développement de formes organisationnelles chargées d'ambivalences et de contradictions, entre autonomie et contrôle, isolement et émergence de nouveaux collectifs, procéduralisation et agilité organisationnelle dans le chapitre 4. Elle abordent les dernières innovations technologiques (cloud, big-data, réalité augmentée et les autres outils de virtualisation), présentées comme les emblèmes de l'usine du futur 4.0, en matière de déqualification des travailleurs, d'intensification du travail, de responsabilisation, de généralisation de contrôle, d'exigence d'engagement subjectif. Dans le chapitre 5, elles retraces succinctement l'histoire des outils collaboratifs depuis les années 90 et mettent en évidence les difficultés à favoriser les interactions et à fluidifier la circulation d'informations (malgré les annonces des capacités de décloisonnement des "machines à coopérer"), les problèmes de mise en visibilité de soi, de ses relations et de ses opinions via les outils collaboratifs sociaux et communautaires (apparus dans les années 2010), au sein de l'univers professionnel hiérarchisé, régulé et pétri de rapports de force.
Les deux derniers chapitres se penchent sur deux fonctions particulièrement soumises aux évolutions en lien avec le numérique : la fonction RH (chapitre 6) et celle de la vente et du marketing (chapitre 7), en s'intéressant au risque d'éloignement du travail réel avec l'utilisation des algorithmes dans les processus RH, aux inégalités que les dispositifs numériques peuvent engendre dans la formation des salariés et aux conditions socio-organisationnelles d'absorption des ces inégalités, aux recompositions des métiers de la vente avec l'essor de la vente en ligne, les technologies du big data.
Au fil des chapitres, plusieurs idées-force sont avancées : la transformation digitale doit passer par la recherche d'un sens et d'une valeur ajoutée aux outils en situation de travail par des co-constructions collectives au sein des équipes censées les utiliser. L'accompagnement de la transformation numérique nécessite de nouvelles formes d'expertise, relative aux métiers et pratiques et au numérique, de repenser l'organisation du travail localement. L'ouvrage éclaire au delà des modes de gestion les nouvelles formes d'entraide, de coopération et de collectifs qui évoluent avec le numérique mais les inégalités d'usage du numérique influencées par les mesures prises au niveau des collectifs de travail, des politiques de formation et des stratégies d'entreprise. Alors que les outils promettent d'augmenter l'homme au travail, voire d'améliorer l"expérience salarié" (en permettant de nouvelles formes de services et d'informations grâce aux données), les auteurs soulèvent la question de l'acquisition, la transmission, la transmission de ces informations dans l'activité, ainsi que la reconnaissance de ces nouveaux savoirs et de nouvelles exigences du travail.