DAL POZZOLO, Marco. La normativité rétrécie : perspectives canguilhemiennes sur la santé au travail.
Revue des sciences humaines n° 358, 2025, p. 295-320
Bien que Georges Canguilhem s’occupe rarement du travail dans ses textes, sa réflexion sur les milieux professionnels est originale et féconde. En particulier avec son article de 1947 « Milieu et normes de l’homme au travail », Canguilhem a inspiré des études successives qui s’inscrivent dans son sillage, tel que l’ergologie philosophique d’Yves Schwartz et la clinique de l’activité d’Yves Clot. La thèse fondamentale de Canguilhem est à la fois simple et lourde de conséquences : l’autonomie décisionnelle et la capacité d’orienter sa propre activité de travail (ce qu’on pourrait appeler « normativité ») sont pour les travailleurs des enjeux de santé. Cette thèse se constitue à la croisée de sa position philosophique sur la santé et le pathologique, défendue depuis l’Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique de 1943, et sa lecture du sociologue et ami Georges Friedmann, en particulier de son livre Problèmes humains du machinisme industriel.
La restitution des principaux résultats de Friedmann est nécessaire pour comprendre le geste philosophique que Canguilhem propose à partir de son livre. C’est en particulier à partir de la question de la fatigue au travail posée par Friedmann que Canguilhem élabore ses réflexions sur le pathologique en milieu professionnel.
https://journals.openedition.org/rsh/9842#quotation