Bien-être au travail : expériences collaborateurs, pratiques managériales et contextes spécifiques (dossier).
Revue internationale de psychosociologie et de gestion des comportements organisationnels vol. XXXI, n° 86, 148 pages
Les contributions de ce numéro spécial proposent des analyses empiriques et conceptuelles qui abordent le bien-être au travail dans toute sa complexité : pluralité des dimensions (hédoniques, eudémoniques, spirituelles), diversité des contextes (coopératives, entreprises innovantes, activités de loisir, situations de crise), et multiplicité des méthodes (trois recherches qualitatives, une recherche quantitative et une recherche conceptuelle). A partir des expériences des collaborateurs interrogés, les cinq articles proposés offrent un panorama riche des manières d’appréhender le bien-être au travail, tout en éclairant ses liens avec les pratiques managériales, les facteurs contextuels et les expériences extra-professionnelles.
Tout d’abord, les deux premiers papiers viennent éclairer la question des pratiques managériales favorisant le bien-être au travail : Dans le premier article de ce numéro spécial, Pratiques managériales innovantes et bien-être au travail : un lien à questionner, Nathalie Lapayre, Pascal Moulette et Karine Rymeyko proposent une étude qualitative basée sur 42 entretiens dans 27 organisations ayant adopté de nouvelles formes de management. Leur recherche, s’appuyant sur le concept de cohérence des pratiques, cherche à identifier les facteurs déterminants du bien-être au travail durable et, met en évidence que l’alignement entre des éléments du système et une appropriation par les acteurs peut y contribuer sous certaines conditions. L’intérêt pratique de leur recherche est fort, offrant aux dirigeants un cadre pour anticiper les effets positifs et négatifs de l’innovation managériale.
Dans le deuxième article, Bien-être au travail et spiritualité : vers une proposition conceptuelle actionnable en GRH, Christophe Bonnet, Jean-Yves Juban et Richard Jackson Major proposent, quant à eux, une réflexion théorique mobilisant les apports conjoints de la philosophie, de la psychologie et des sciences de gestion. Ils nous invitent à intégrer la spiritualité dans la gestion des ressources humaines et proposent le concept de Bien-Être Spirituel au Travail (BEST) comme extension des modèles hédoniques et eudémoniques du bien-être au travail. Ils font également des recommandations sur des actions pratiques relevant du leadership spirituel.
Les papiers suivants relèvent de contextes spécifiques qui viennent questionner la présence possible du bien-être au travail. Tous trois mettent en évidence l’importance des facteurs contextuels comme déterminants majeurs du bien-être au travail : d’abord dans un contexte sociétal (crise tunisienne), puis dans un contexte organisationnel (coopératives de travailleurs) et enfin un contexte individuel (pratique de la plongée bouteille comme activité de loisir).
Pour explorer un contexte sociétal spécifique, la Tunisie connaissant une crise économique et politique sans précédent apparaît comme un terrain fertile. Dans le troisième papier, Quand les crises redéfinissent les leviers du bien-être au travail : dynamiques de transformations et ancrages contextuels, Rim Boutiba, Ezzedine Boussoura, Rim Maamouri et Menel Ben Mlouka mettent en lumière, à partir de 31 entretiens de travailleurs tunisiens, la dynamique de reconfiguration des leviers du bien-être au travail en situation de crise et les limites des leviers du bien-être au travail identifiés dans les modèles classiques en contexte d’instabilité prolongée, à l’instar de la situation tunisienne marquée par des vulnérabilités structurelles, économiques et institutionnelles. Cette recherche nous invite ainsi à penser les leviers du bien-être au travail non pas comme un état figé ou universel mais comme une construction sociale, dynamique et profondément ancrée dans des réalités socio-économiques locales.
En tant que contexte organisationnel spécifique, les coopératives de travailleurs sont de plus en plus reconnues comme des environnements prometteurs pour améliorer le bien-être au travail sans que les mécanismes sous-jacents soient pourtant clairement identifiés. Dans le quatrième papier, How psychological contract unreplicability fosters workplace well-being in worker cooperatives : The mediating role of meaningful work, Florence Loose et Claude Fabre examinent, à travers leur recherche empirique quantitative par questionnaire auprès de 510 employés de coopératives françaises, comment la spécificité des relations de travail en contexte d’organisations coopératives influence deux dimensions fondamentales du bien-être au travail : l’hédonisme (prévalence des émotions positives par rapport aux émotions négatives) et l’eudémonisme (sentiment d’épanouissement personnel). Leur recherche met en lumière la valeur du capital relationnel dans des organisations coopératives et son lien avec le « travail significatif ».
En tant que contexte spécifique au niveau individuel, le dernier papier de ce numéro, Les mécanismes de récupération du stress au travail par la pratique d’une activité de loisir : le cas de la plongée bouteille explore en quoi le loisir aurait des effets bénéfiques sur le bien-être au travail. Pour ce faire, Florian Lecaër et Olivier Roques, ont mené une étude qualitative par entretiens sur 36 travailleurs pratiquant la plongée bouteille. Les caractéristiques spécifiques de cette activité de loisir (contemplation de la nature, apesanteur, silence, respiration) sont mises en avant comme des facteurs de récupération du stress (détachement psychologique, relaxation, maîtrise, contrôle mais aussi appartenance à un groupe) contribuant au bien-être au travail.
https://shs.cairn.info/revue-revue-internationale-de-psychosociologie-et-de-gestion-des-comportements-organisationnels-ripco-2025-3-page-5?lang=fr