Qu'elle s'immisce clandestinement dans les pratiques professionnelles ou qu'elle soit l'œuvre d'une stratégie d'entreprise assumée, l'intelligence artificielle (IA) est à l'origine de transformations inédites du travail et de son organisation. Facilement créditée d'une capacité à décharger les salariés de tâches répétitives ou ingrates, elle est aussi un facteur de renforcement de la pénibilité, d'intensification du travail, voire d'appauvrissement de celui-ci, quand elle ne menace pas directement les emplois. L'IA gagne du terrain sur des champs qui font appel à la créativité, aux facultés cognitives et aux compétences relationnelles des humains. En rognant sur l'autonomie des salariés et en mettant au rebut leur expérience, l'IA porte le risque d'altérer sévèrement la santé des salariés ... Ce dossier comporte plusieurs articles qui abordent notamment :
la tendance des entreprises qui déploient des agents intelligents à en minorer l’impact sur l’organisation du travail et les risques pour la santé et la sécurité des salariés ;
le management algorithmique, dont l’opacité provoque stress, perte d'autonomie et sentiment d’isolement pour les travailleurs de plateforme ;
les expérimentations d'outils à base d’IA censés épargner aux conseillers France Travail des tâches chronophages et peu gratifiantes sans que les effets concrets de ces "assistants" déployés soient évalués ;
les questionnements juridiques, qu’il s’agisse des données personnelles, de la responsabilité des acteurs, de l’implication des représentants du personnel ou de la santé et de la sécurité au travail ;
le risque de dévalorisation de l'activité cognitive, aussi bien individuelle que collective que pointe Mathieu Corteel, philosophe et historien des sciences.