1 /  1
Vignette document Le  travail soutenable : exploration des exigences d’une approche sociale-écologique du travail (dossier)

Le travail soutenable : exploration des exigences d’une approche sociale-écologique du travail (dossier)

Article
Contient : T. 164, n° 1

Ce dossier spécial réunit des chercheurs venus d’horizons disciplinaires variés pour contribuer à une réflexion sur un avenir soutenable du travail. Des approches théoriques issues de la philosophie, de la sociologie, du droit du travail et de l’économie politique sont conjuguées avec des démarches ethnographiques intégrant des dimensions sociale, psychologique et sanitaire. En réunissant ces points de vue, l'objectif est de contribuer à l’élaboration d’une matrice conceptuelle de la catégorie «travail soutenable», sans éluder les questions politiques et éthiques posées par l’opérationnalisation de ce cadre.
La politisation du travail soutenable constitue le fil rouge des articles qui composent ce dossier. Elle est abordée sous un angle différent dans chaque contribution, depuis les fondements normatifs de la soutenabilité jusqu’aux enjeux liés à la décolonialité, en passant par la participation des travailleurs à la délibération collective, la gouvernance des entreprises ou encore l’action syndicale.
Les deux premières contributions à ce dossier spécial portent sur ces aspects. Dans l’article introductif "Travail soutenable : une carte conceptuelle en vue d’une approche sociale-écologique", Lisa Herzog et Bénédicte Zimmermann s’appuient sur des travaux de recherche critiques et sur les documents publiés par les institutions internationales afin de dégager quatre exigences d’une approche holistique du travail soutenable : 1) intégrer soutenabilité écologique et soutenabilité sociale ; 2) ne pas réduire le périmètre du travail à ses formes rémunérées et formelles ; 3) prendre en compte les interdépendances locales et mondiales ; et 4) expliciter les fondements normatifs de la soutenabilité.
Dans «Discours sur le travail soutenable dans les communautés touchées par l’activité minière : à la recherche d’un concept décolonial», Ania Zbyszewksa et Flavia Maximo remettent en cause les épistémologies eurocentriques qui imprègnent de nombreux débats sur la soutenabilité et le travail. Elles s’intéressent plus particulièrement au capitalisme colonial, racial et extractiviste sous ses diverses formes et à son impact sur les populations autochtones et l’environnement dans des contextes non occidentaux.
Dans «Agir sur la qualité du travail pour développer sa soutenabilité – Une approche en psychologie du travail», Antoine Bonnemain présente une étude de cas concernant des éboueurs. Les interventions en ergonomie et psychologie du travail (plus précisément en clinique de l’activité) qu’il a mises en place et analysées avec ses collègues révèlent que les dispositifs de participation directe ont permis aux travailleurs de prendre part active dans la négociation de conflits entre différents acteurs et entre différentes dimensions de la soutenabilité.
L’étude présentée par Geoffroy Gonzalez dans «La délibération collective sur le travail peut-elle le rendre soutenable ? Le cas d’une coopérative d’intérêt collectif» illustre le cas de coopératives (en l’occurrence les «coopératives d’intérêt collectif») dont le modèle économique se veut écologiquement soutenable et dont l’objectif est de renforcer la soutenabilité sociale et le pouvoir d’agir démocratique.
Dans leur contribution («Les travailleurs en première ligne du changement climatique : repolitiser l’action syndicale pour le climat»), Ben Crawford et David Whyte se penchent sur le rôle des syndicats dans la lutte pour la justice environnementale. Ils font valoir que, appliquée au travail, la soutenabilité est trop souvent assimilée à un «intérêt commun» partagé par les travailleurs et les employeurs, ce qui l’exclut du champ de la négociation collective. Les marchés du travail et processus de travail capitalistes tendent à être préjudiciables aux travailleurs aussi bien qu’à la nature. La transition vers un travail écologiquement soutenable exige donc une mobilisation collective des travailleurs, parce que les caractéristiques de l’organisation du travail, par exemple la précarité et l’intensification du travail, sont dommageables non seulement pour le corps des travailleurs, mais aussi pour l’environnement.