
Se désengager pour mieux se réengager. Quelle portée critique pour les reconversions professionnelles ?
Cet article vise à réfléchir à la portée critique des bifurcations professionnelles justifiées par un manque de sens éprouvé dans l’ancien métier. Celles-ci pourraient traduire une critique de l’ancien métier, jugé inutile, inintéressant ou pénible, et avec elle, une critique plus large du travail. Toutefois, il est également possible de les envisager comme un exit professionnel, c’est-à-dire une réponse individuelle à une situation insatisfaisante, qui n’aurait pas de réelle portée critique. À partir d’une enquête portant sur les reconversions professionnelles d’individus qui occupaient un emploi de cadre ou de profession intellectuelle supérieure avant de bifurquer vers un métier artisanal, nous proposons d’analyser dans le détail le potentiel critique de ces mobilités professionnelles et leur articulation à des valeurs politiques. Nous distinguons d’une part la critique formulée à l’égard de l’ancien métier (l’exit professionnel à proprement parler), mais aussi, d’autre part, la portée de l’engagement dans le nouveau métier. Nous soulignons ainsi que les reconversions étudiées ne sont généralement pas synonymes d’un rejet en profondeur de l’ancien métier ni d’une critique radicale du travail, mais que l’engagement dans le nouveau métier est néanmoins souvent sous-tendu par une conception partiellement politisée de celui-ci.