Détours identitaires
Le thème de l'identité est incontestablement à la mode, le repli sur l'identité ou la communauté, marqué comme une évidence, n'est pas, loin s'en faut, exempt de risques et de dangers quant à la place laissée à l'autre. Ce deuxième numéro de l'année interroge donc la notion d'identité et propose "l'étude des processus identitaires (construction, rigidification, fragilisation, dissolution, reconquête de l'identité), pour la compréhension des phénomènes socio-organisationnels ou socio-politiques". L'angle d'attaque retenu use du "détour" par les personnes pour interroger les systèmes sociaux.
Les articles recueillis vont traiter des structurations identaires à partir de trois niveaux :
- l'identité personnelle renvoyant à l'image ou à la conscience de soi
- l'identité sociale, construite à partir d'une hiérarchie de statuts sociaux
- l'identité collective s'appropriant les normes et valeurs des groupes d'appartenance du sujet et inscrite dans une dynamique des relations au sein de ces groupes.
Au fil des interventions, qui alternent orientations théoriques et études ou recherches appliquées, des thèmes très divers sont abordés qui apportent un éclairage pertinent sur les modes d'organisation sociale. On distinguera parmi celles-ci quelques contributions plus directement centrées sur le sujet au travail. V. Guienne montre la construction d'une problématique psychosociologique sur le partage du travail. V. de Gaulejac nous confronte à un sentiment complexe, la honte, articulé entre divers registres : narcissisme, relations à autrui, rapport aux normes sociales. Dans une société pronant l'excellence et la réussite individuelle, la honte intervient dans le processus identitaire comme facteur de stimulation et d'inhibition. Il analyse l'histoire d'un cadre brillant, d'origine modeste, se retrouvant au chômage après un licenciement. Deux articles exposent des recherches et des interventions autour du thème identitaire menées dans des équipes de soins. Enfin, deux chercheurs brésiliens montrent l'impact du travail répétitif sur l'identité du travailleur. Les TMS (troubles musculo-squelettiques) peuvent être favorisés par des facteurs psychosociaux, avec notamment une détérioration de l'image de soi issue de tâches ressenties comme humiliantes et vides de sens.