
Tensions et conflits du travail dans les établissements français depuis les années 2000
Ce rapport a été réalisé dans le cadre du projet REGTRAV dont l'objectif est d'étudier les tensions et les conflits qui s’expriment dans les relations professionnelles en France. Il s'appuie sur deux sources de données l'enquête REPONSE et 18 monographies. Le rapport s'organise autour de six parties. Une première partie entend faire le constat de la diminution de la conflictualité collective évoquée dans cette introduction : il s’agit d’en faire état mais aussi de décrire ces évolutions de la conflictualité en exploitant les questionnaires RD et RP de l’enquête REPONSE, sans se limiter à la conflictualité collective, avec ou sans arrêt mais, plus que dans des exploitations antérieures, en s’intéressant aussi aux formes individuelles de la conflictualité (tensions entre salariés et leurs supérieurs et tensions entre eux ; absentéisme considéré comme un problème ; arrêts maladie « répétés »). Une deuxième partie décrit ces évolutions en tenant compte des lieux, espaces et organisations où ils ont lieu. Dans un premier temps, sont distingués établissements de petite, moyenne et plus grandes tailles – ces distinctions n’invalidant pas les évolutions constatées mais rappelant à quel point la conflictualité (en réalité avant tout collective et avec arrêt de travail) est rare dans certains univers et plus présente, sinon quotidienne dans d’autres. Un focus sur les petits et moyens établissements est alors proposé en la matière, au sein duquel se distinguent notamment les trois établissements du secteur médico-social que nous avons investigués par des monographies. Cette singularité des petits établissements et de ceux relevant du secteur médico-social est aussi identifiée dans l’analyse statistique qui est alors menée dans un troisième temps dans la lignée des travaux de T. Coutot et T. Amossé (2008), qui avaient étudié à partir de l’enquête de 1999 et 2005, les configurations socioproductives structurant l’espace des établissements français. Sans reproduire strictement leurs analyses mais en cherchant à y intégrer davantage la question de la propriété des entreprises (actionnariales, familiales, etc.) d’une part, et les effets de la financiarisation d’autre part, cet espace structurant constitue le contexte dans lequel se déploient les évolutions de la conflictualité décrites précédemment. Une troisième partie cherche alors à expliquer ces évolutions – et en particulier la baisse des conflits avec arrêts de travail et de leur intensité.
L’analyse statistique montre, sur ce plan, un effet des transformations de la morphologie des établissements mais aussi des variations dans les coefficients d’association entre certaines variables et l’intensité conflictuelle. La partie se poursuit en étudiant les transformations des acteurs des relations professionnelles et de leurs pratiques, du côté des représentants du personnel et de ceux de direction comme du côté des salariés. Alternant éléments statistiques descriptifs et constats issus des monographies, cette partie est suivie par l’examen d’un répertoire d’action (les recours au droit et à la justice,) menée dans une quatrième partie. Deux enjeux centraux des relations professionnelles sont alors abordés, en s’intéressant aux conflits et négociations auxquels ils donnent lieu : le temps de travail – et en particulier le travail du dimanche et les compensations auxquels il donne lieu ou pas (partie 5) – puis les salaires (partie 6). On s’y centre sur les négociations et conflits auquel ce thème donne lieu, en analysant plus précisément où on négocie et où on ne négocie pas (même si le droit l’impose tous les ans, dès lors qu’un délégué syndical est présent normalement) puis, lorsque ces négociations ont lieu, si le fait que les salariés se mobilisent avant ou pendant ces négociations influencent les décisions des directions en matière d’augmentation salariale. Analysant donc si se mobiliser paye, le rapport se conclut par un épilogue, dont les conditions de réalisation sont rapidement précisées dans l’encadré suivant.