Les transformations du travail
La civilisation du numérique annonciatrice de grands bouleversements
De tous les défis auxquels l’humanité est confrontée, la nouvelle révolution industrielle est sans conteste celle qui aura un impact majeur. Elle est à la fois porteuse d’espoir et de crainte. Comme le souligne Klaus Schwab dans son ouvrage La quatrième révolution industrielle : « la convergence des nouvelles technologies couvre d’immenses domaines : l’intelligence artificielle, la robotique, l’Internet des objets, les véhicules autonome, l’impression en 3D, les nanotechnologies, les biotechnologies, les sciences et matériaux, le stockage de l’énergie et l’informatique quantique (…). Celles-ci entraînent "une recomposition de tous les secteurs industriels avec l’émergence de nouveaux business models, la disruption des acteurs en place et restructuration des systèmes de production, consommation, transport et livraison. Sur le plan sociétal, le changement de paradigme affecte la façon de travailler et de communiquer."
La suppression et la recomposition de certains emplois autour de nouveaux métiers
Difficile de mesurer l'impact de la révolution du numérique sur l'emploi, alors que de nombreuses études paraissent sur le sujet. Est-elle une source de danger pour le marché du travail ? Selon les travaux du Conseil d’orientation pour l’emploi (Automatisation, numérisation et emploi, tome 1, 2017), moins de 10% des emplois en France présente un risque élevé de remplacement par des robots et/ou des logiciels. Près d’un emploi sur deux devra évoluer et se transformer. En ce qui concerne les compétences, l’innovation technologique est plutôt favorable au travail qualifié, en ce qu’elle conduirait à remplacer des tâches habituellement réalisées par des travailleurs peu ou pas qualifiés par des emplois exigeant des qualifications plus élevées.
L’émergence de nouveaux modèles productifs et organisationnels
Le numérique offre l’opportunité de créer de nouvelles organisations plus transversales, plus souples, de nouveaux modes de fonctionnement plus coopératifs et plus collectifs. La nature et l’organisation du travail changent avec plus de flexibilité et l’émergence du travail à la demande. Les salariés vont devoir développer leur autonomie. « Nous sommes là en présence de la nouvelle économie, où les personnes qui proposent leur force de travail ne sont plus des salariés au sens classique, mais de travailleurs indépendants qui accomplissent des tâches précises », comme le souligne K. Schwab.
Face à ce constat, les analyses de Pierre Naville illustrent avec pertinence les transformations en cours. Dans son ouvrage Vers l’automatisme social, il évoque les régulations où les systèmes techniques et les systèmes sociaux fonctionneraient à la fois en autonomie et en coopération.
Une réglementation favorable à l’innovation
Cette aspiration à l’autonomie se réalise hors du champ salarial et prend appui sur les facilités permises par les outils numériques. Pour autant les structures juridiques et sociales comme par exemple le droit du travail, pensées à l’ère de l’usine, ne sont pas conçues pour aborder cette grande transformation comme le soulignent Gilbert Cette et Jacques Barthélémy dans leur ouvrage Travailler au XXIe siècle : l’ubérisation de l’économie ? C’est pourquoi ils proposent un cadre ambitieux et novateur pour repenser le droit du travail. Ils suggèrent que les dispositions soient liées à la dépendance économique et non essentiellement, comme c’est actuellement le cas, au type de subordination juridique.
L’essor de la prospective sur le travail
Les travaux de prospective sur le travail se sont considérablement développés. Comme le précise Michel Godet : « La prospective est une réflexion pour éclairer l'action présente à la lumière des futurs possibles ». Cela suppose de mettre en place des méthodes pour apprécier les conséquences des stratégies adoptées et les décisions prises sur l'avenir.
Aurélie Adler et Mayline Heck, toutes deux maîtres de conférence en littérature française, portent une attention singulière sur les mutations du travail en s’intéressant à la portée politique des écrits sur le travail au cours du XXIe siècle. Le choix de la période peut paraître étonnant alors que de nombreux travaux prennent pour point de départ les années 1980. Les bouleversements socio-économiques le justifient pour partie (crises économiques, essor d’Internet…). C’est aussi au regard de l’histoire littéraire récente que l’on peut apprécier la singularité des narrations contemporaines. Par ce biais, « il s’agit peut-être moins de faire acte de dissidence ou de remettre en cause les valeurs de l’entreprise que d’ouvrir des espaces neufs d’un langage usé ».