La délégation sénatoriale aux entreprises initie des rencontres avec des experts du travail afin de nourrir la mission d'information confiée à Martine Berthet, Michel Cavenet et Fabien Gay sur les nouveaux modes de travail et de management liés à la crise sanitaire de 2020. Pour les aider à analyser et comprendre ces nouveaux modes de travail et saisir les enjeux en terme d'organisation de la vie de l'entreprise et des obligations des employeurs en termes de santé et sécurité au travail ...

Pour la première table ronde, François Dupuy, sociologue (EDHEC), Jean-Emmanuel Ray, juriste spécialiste en droit du travail et Martin Richer, dirigeant de Management & RSE ont évoqué ce que "la crise a changé" et répondu aux questions des rapporteurs. Retour sur cette table ronde du 28 janvier 2021.

La crise sanitaire a affranchi les managers de proximité du "fatras bureautique" 

S'appuyant sur une étude menée de mars à septembre 2020 auprès de 9 organisations, François Dupuy identifie deux acteurs majeurs de la gestion de crise dans les entreprises : les dirigeants qui ont dû appliquer les directives gouvernementales (parfois changeantes) et l'encadrement de proximité qui s'est vu confier une double mission : assurer la poursuite de l'activité de l’entreprise et gérer ses équipes à distance notamment les personnes fragiles.
Pour y parvenir, les encadrants de proximité ont pratiqué la « désobéissance organisationnelle » car il n’était pas efficace dans le contexte de poursuivre les process et procédures, que F. Dupuy désigne de "fatras bureaucratique" émis par les fonctions supports des sièges des entreprises.

Le droit du travail se doit d'évoluer

Jean-Emmanuel Ray a évoqué le modèle organisationnel du code du travail, basé sur la subordination, pertinente à une époque, dépassée au début du XXIe siècle. Il explique que le passage au travail numérique n'a pas effacé le droit du travail et ce rapport de domination. Le droit du travail est conçu sur le modèle d'une entreprise collective sur un lieu collectif. Or le rapport au travail n'est pas le même depuis le domicile que des bureaux  : "le domicile ne peut pas devenir un espace soumis au pouvoir de direction et au pouvoir disciplinaire". Le droit du travail en l'état ne fait plus face aux nouvelles contraintes des entreprises et des salariés.

"Le management à la croisée des chemins"

Martin Richer retrace les caractéristiques du management en France : taylorien et plus hiérarchisé que dans d'autres pays. Il pointe également la faiblesse dans la formation des managers qui n'apprennent pas à encadrer des personnes et leur travail. Les collaborateurs sont promus managers parce qu'ils sont très performants dans leur métier. Il estime que "le management doit cesser d'être perçu comme un agent emprisonnant les managers dans des tâches de contrôle et de reporting. Il s'agit d'opérer une transition vers un management reposant sur l'adhésion et la participation des salariés, et leur offrant plus d'autonomie et de soutien professionnel".

Compte-rendu des échanges

Replay de la table ronde (2h)