Transformation numérique, transformation des compétences

Dossier
Le développement systématique des outils numériques impacte fortement les travailleurs. La quasi-totalité des métiers comportent une composante numérique. Les connaissances digitales font aujourd’hui partie des compétences initiales. Chaque salarié est régulièrement amené à s'approprier de nouveaux outils technologiques. La Commission européenne considère que les connaissances digitales représentent dorénavant des compétences de base dans le monde professionnel. Les salariés et les entreprises se voient donc dans l’obligation d’acquérir régulièrement de nouveaux savoirs afin de sécuriser l’employabilité et la performance.
Un salarié travaille sur un ordinateur et illustration des compétences numériques

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La révolution technologique, c’est aussi une révolution des compétences

Tel est le constat de Marie-Claire Carrère-Gée, directrice du Conseil d’orientation pour l’emploi (COE),  à l’occasion de la sortie du tome 2 du rapport " Automatisation, numérisation et emploi : l’impact sur les compétences ". L’enquête sur les compétences et les emplois en Europe du CEDEFOP souligne que tous les secteurs d’activité sont soumis à des changements technologiques, de façon plus ou moins radicale. L’évolution des compétences numériques soutient la capacité d’innovation et de performance. Mais, comme l’indique Catherine Morin-Desailly dans le rapport « Prendre en main notre destin numérique : l’urgence de la formation » remis récemment au Sénat, les PME et les TPE sont peu sensibilisées à la nécessité d’accompagner les évolutions numériques au sein de leurs entreprises.

 

Des compétences numériques inégalement réparties

Du côté des salariés, plus de la moitié utilisent un ordinateur sur leur lieu de travail selon baromètre du numérique 2017. La Commission européenne estime qu’en France,

« 8 % des salariés ne disposent d'aucune qualification numérique, 27 % ont un niveau faible, tandis que 33 % peuvent se prévaloir d'un niveau de base et 29 % d'un niveau supérieur. »

L’enquête du Crédoc montre d’autres disparités. La catégorie socio-professionnelle, le niveau de qualification et l’âge des salariés s’avèrent être des facteurs discriminants. Moins d’un ouvrier sur cinq utilise un ordinateur contrairement aux cadres et aux plus diplômés. Les plus jeunes et les plus qualifiés ont en moyenne des niveaux plus élevés. « A partir de 40 ans et pour ceux qui n’ont pas le niveau Baccalauréat, le sentiment de compétence est beaucoup moins développé. L’étude souligne que « les écarts de compétence selon l’âge tendent tout de même à se réduire. » (In Baromètre du numérique 2017).

Mais de quels types de compétences parle-t-on ?

 

« Le savoir perd de son importance au profit de la capacité à apprendre et à s'adapter aux mutations du monde et à des métiers changeants. »

Tel est le constat de Catherine Morin-Desailly dans son  Rapport d’information du Sénat : Prendre en main notre destin numérique.

Le rapport du COE et le livre blanc de l'Agora Industrie paru en mars 2018 confortent cette affirmation. Les compétences techniques doivent être en cohérence avec des compétences de base. En effet, plus 99% des contenus du web sont textuels. " Les compétences cognitives (littératie et numératie) représentent donc des savoirs incontournables. "Les outils numériques demandent des compétences sociales dans la mesure où ils favorisent le travail collaboratif. Enfin, les transformations technologiques constantes réclament de développer des compétences situationnelles :  capacités d’adaptation et « d’apprendre à apprendre »". Les démarches prospectives montrent que la poursuite des évolutions technologiques accentuera de plus en plus cette convergence des compétences et les niveaux recquis. C’est à ce prix que pourra être garanti la complémentarité entre la technologie et les individus.

 

Des référentiels de compétences numériques

Des référentiels de compétences sont mis à disposition des salariés et des entreprises. La Commission européenne a développé un cadre européen des compétences numériques, le DIGCOMP. Il catégorise les compétences socle et les niveaux attendus en fonction des activités professionnelles. L’acquisition des savoirs numériques nécessite des connaissances de base, transversales. Ce référentiel, constitué de cinq champs, intègre ainsi 21 compétences, (décrites dans l’infographie ci-dessous), regroupées en cinq domaines : littératie de l’information et des données ; communication et collaboration ; création de contenu numérique ; sécurité et résolution de problème.  

 

 

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Learning to swim in the digital ocean. DIGCOMP, The European Commission's science and knowledge service, 2017.

 

Au niveau européen, le portail Europass, du CEDEFOP, ouvert à tous, propose une grille d’auto-évaluation des compétences et qualifications, notamment numériques, réalisée à partir de DIGCOMP. Les résultats peuvent être consignés dans un passeport personnel européen.

De même, en France, le COPANEF (Comité paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation) a élaboré le référentiel CléA. Cette grille des connaissances et des compétences professionnelles se veut commune à tous les métiers. Elle définit ainsi les capacités minimales permettant au salarié de s’adapter afin « utiliser les techniques usuelles de l'information et de la communication numérique ».

Quatre grands thèmes sont déclinés :

  • connaître son environnement et les fonctions de base pour utiliser un ordinateur ;
  • saisir et mettre en forme du texte et gérer des documents ;
  • se repérer dans l'environnement internet et effectuer une recherche sur le web ;
  • utiliser la fonction de messagerie.

Evaluer les besoins en compétences

Face à la rapidité des évolutions technologiques et considérant les enjeux économiques, les pouvoirs publics français se mobilisent. Il s’agit de répondre aux enjeux de performance et d’employabilité en aidant les acteurs de l’entreprise et les salariés à évaluer et à anticiper les besoins en compétences. Le secrétaire d'Etat, Mounir Mahjoubi a annoncé en septembre 2018 la mise en place d’un plan national pour un numérique inclusif. Il prévoit le déploiement de la plateforme PIX, un service public en ligne d’évaluation, de développement et de certification des compétences numériques réalisé en conformité avec le cadre de référence DIGCOMP. La plateforme propose aux citoyens de tester et d’évaluer eux-mêmes leurs compétences numériques mais elle a également pour objectif de proposer des recommandations de formation aux enseignants et aux responsables de formations continues. Actuellement en développement, ce service devrait être totalement opérationnel en 2019 et fournir une  « certification officielle fiable et reconnue par l’éducation nationale, l’enseignement supérieur et le monde professionnel ».

Il est dorénavant plus facile de détecter les carences en matière de savoirs numériques. Mais quels sont les moyens mis à disposition des salariés pour monter en compétence ?

 

Le rôle incontournable mais insuffisant de la formation continue

L’article L.6321-1 du code du travail oblige « l'employeur à assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il (doit) veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques… » L’employeur doit à la fois s’assurer que le salarié est en capacité de s’adapter aux évolutions de son poste. Il a aussi l’obligation de lui permettre de développer ses compétences.

Le milieu professionnel est donc effectivement le lieu privilégié des salariés pour monter en compétence. En ce qui concerne l’apprentissage des outils numériques, la formation continue est actuellement l’offre la plus pratiquée et plébiscitée. « 62% des actifs en emploi qui utilisent un ordinateur ont le sentiment que la formation continue les a bien préparés contre  54% en 2013, soit une hausse de 8 points en quatre années. » L’enquête du Crédoc montre par ailleurs que les salariés aspirent à plus de formations professionnelles dans le cadre d’un parcours structuré et encadré, plutôt qu’une formation seul et/ou en ligne.

 

Parallèlement, le baromètre Digital workplace 2018 montre qu’un nombre important de managers souhaite davantage d’accompagnement dans l’appropriation des outils numériques. Les salariés font le même constat. Ils expriment le besoin d’accéder à plus de formations et de tutoriels pour une meilleure maîtrise des outils. Cela nécessiterait un suivi individualisé, prenant en compte les niveaux de compétences de chacun, en intégrant leurs spécificités métier. Mais les moyens sont encore insuffisants.

 

 

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Baromètre Digital Workplace 2017. Cabinet conseil Julhiet Sterwen, Ifop.

 

Les pistes et les recommandations des experts

Les experts s’accordent effectivement sur le principal défi à venir concernant les compétences numériques : la formation des salariés et des étudiants afin de garantir leur employabilité et de répondre aux besoins des entreprises. Pour le COE, la montée en compétences est donc un objectif prioritaire.

Mais  Marie-Claire Carrère-Gée souligne le constat fait par le COE  dans une interview donnée aux Echos le 20/09/2018 : « (Le rapport) met l'accent sur les insuffisances du système de formation professionnelle en France.»

De même, la sénatrice Catherine Morin-Desailly, dans son rapport d’information au Sénat : « Prendre en main notre destin numérique insiste sur l’urgence de renforcer les actions de formation continue en dehors de l’entreprise, afin d’accompagner l’évolution des compétences des actifs. Elle met également l’accent sur la nécessaire valorisation des pratiques professionnelles et des cadres plus informels notamment les échanges au sein de l’entreprise. Une réforme est en cours qui tend à simplifier et rendre plus accessible la formation continue. Mais les financements font défaut. L’accompagnement personnalisé est négligé et les offres de formation manquent d’agilité au regard de la vitesse des évolutions technologiques. Les points de vue convergent à ce stade sur les actions à mener : aider les professionnels de la formation à monter en compétences sur les domaines du numérique, favoriser la validation des acquis numériques et reconnaître les capacités collectives et la capacité formatrice de l’entreprise.

 

 

Voir aussi

ANACT : Projet TN&T, financé par le Fond social européen (FSE) : Transformations numériques et travail, 2018-2019

DIGICOMP Digital Competence Framework for Citizens, Commission européenne, The European Commission’s science and knowledge service.

Europass, Compétence numérique, Centre européen de développement de la formation professionnelle (CEDEFOP).
PIX, Développer vos compétences numériques, République française, Ministère de l’Éducation nationale, Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

 

Comprendre la Transition Numérique en vidéo ! Les Observatoires du secteur alimentaire. 2018, 3,08 mn. 

 

 

Comment le digital transforme les métiers de l’ingéniérie : l’histoire de Fondasol. Orange Business Services, 2015,2,10 mn.

 

 

Les compétences numériques au cœur des nouvelles stratégies des organisations. Université du numérique 2018. Medef TV, 1h55.